Par Manzi Bakuramutsa
Il y a deux semaines le Président de la Tanzanie, John Pombe Magufuli, n’a plus apparu en public. Sa disparition est une source des spéculations dans les médias, sur sa santé et sa présence éventuelles dans un hôpital de Nairobi au Kenya, voire en Inde.
L’absence de Magufuli au sommet virtuel ordinaire des chefs d’Etat de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) et son absence aux deux offices dominicaux, où il est généralement filmé en direct par la télévision nationale, ont contribué à alimenter ces spéculations.
Le ton a été donné par le journal Kenya’s Nation qui a déclaré qu’un dirigeant africain avait été admis dans un hôpital de Nairobi, sans confirmer son nom. Mais d’autres sources ont déclaré que Magufuli se trouvait dans un hôpital de Dar-es-Salaam, souffrant de symptômes similaires à Covid-19.
Le haut milieu tanzanien a de quoi s’inquiéter, non seulement pour son président Magufuli, mais aussi et surtout pour ses propres membres, car un bon nombre de hauts cadres tanzaniens ont été fauchés par la pandémie de Covid-19 depuis ces derniers mois. Parmi les morts figurent le secrétaire exécutif de la « State House » John Kijazi, l’ancien vice-ministre des Finances Gregory Teu, l’ancien gouverneur de la Banque de Tanzanie Benno Ndulu et le premier vice-président de Zanzibar Maalim Seif Sharrif Hamad, dont le parti ACT Wazalendo a confirmé qu’il avait été victime de la Covid-19.
Bien que le président Magufuli avait recommandé à sa population de faire plutôt les prières que de porter des masques ou de prendre des vaccins pour lutter contre la Covid-19, entre temps l’Eglise catholique de son pays a perdu dans quelques mois 25 prêtres et 60 religieuses et l’hécatombe ne fait que continuer.
Plusieurs membres de l’opposition en Tanzanie ont appelé les autorités à fournir des nouvelles du président John Magufuli qui n’est plus apparu en public depuis le 27 février, suscitant des interrogations sur son état de santé.
Le chef de l’opposition Tundu Lissu, a déclaré que : « la santé du président est un sujet public sérieux. Nous avons été informés quand (l’ancien président Jakaya) Kikwete a été opéré de la prostate, on nous a annoncé quand (l’ancien président Benjamin) Mkapa a eu sa hanche remplacée (…) Qu’y a-t-il avec Magufuli que nous ne devons pas savoir ? », a t-il déclaré dans un tweet, alors que des rumeurs circulaient sur les réseaux sociaux tanzaniens.
Plus tard, Lissu a ajouté: « C’est un triste commentaire sur sa gestion de notre pays qu’il en soit venu à ceci: qu’il a lui-même eu le COVID-19 et a été transporté par avion au Kenya afin de prouver que les prières, les inhalations de vapeur et autres préparations à base de plantes n’ont prouvées qu’elles n’ont pas de protection contre la Coronavirus! »
Quant à Ado Shaibu, secrétaire général du parti d’opposition l’Alliance pour le Changement et la transparence (ACT Wazalendo), a déclaré que : « les questions de santé sont privées mais pour un dirigeant public, les gens doivent savoir. Nous ne voulons pas les détails mais au moins savoir quand le chef est malade ou hospitalisé ».
La critique de la gestion par Magufuli de la pandémie de Covid-19 remonte à l’année dernière, lorsqu’il a commandé un avion chargé de la potion à base de plantes non prouvée de Madagascar, a refusé de parler aux dirigeants régionaux de la propagation du virus et a affirmé que trois jours de prière nationale serait suffisants pour lutter contre l’épidémie de coronavirus dans le pays.
Plus récemment, il a été critiqué par des médecins tanzaniens qui ont plaidé pour une plus grande attention sur la Covib-19.
S’exprimant de manière anonyme, un médecin a déclaré: « les autorités nous font pression pour ne pas nous occuper des personnes qui présentent des symptômes de coronavirus plutôt, elles les font traiter comme des malades de pneumonie et des infections pulmonaires. En tant que médecins, nous sommes en danger parce que nous n’avons même pas d’équipement de protection individuelle. Le gouvernement doit changer sa perception et prendre cette pandémie au sérieux ».
Depuis près d’un an, le chef d’Etat tanzanien, minimise l’impact du Covid-19. Affirmant que son pays s’était « libéré de la Covid-19 » par la prière, il a rejeté tout confinement ou mesure imposant le port du masque.
La Tanzanie a cessé de communiquer des données sur les coronavirus en mai de l’année dernière lorsqu’elle a déclaré qu’elle comptait 509 cas et 21 décès, selon des données détenues par l’Organisation mondiale de la santé, qui a appelé et encouragé le pays à partager ses informations.
Même si le COVID-19 s’est répandu en Afrique, les Tanzaniens étaient toujours autorisés à se rassembler sans masque et sans autres précautions, par exemple pour regarder le sport.
Ce dernier temps, le président Magufuli a toutefois infléchi son discours depuis un mois, admettant que ce qu’il a nommé « cette maladie respiratoire » circulait toujours.
En effet le discours insistant et responsabilisant du Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) appelant la Tanzanie à prendre des mesures «solides» pour protéger sa population de la COVID-19, aurait était entendu.
«De nombreux Tanzaniens voyageant dans les pays voisins et au-delà ont été déclarés positifs à la COVID-19. Cela montre la nécessité, pour la Tanzanie, de prendre des mesures solides pour protéger à la fois sa propre population et les populations de ces pays et d’ailleurs», a appelé le directeur de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, dans un communiqué.
«La situation reste très préoccupante. Je renouvelle mon appel à la Tanzanie à commencer à rapporter les cas de COVID-19 et à partager les chiffres. J’appelle aussi la Tanzanie à mettre en œuvre des mesures de santé publique qui permettent de briser les chaînes de transmission et à se préparer à la vaccination», a ajouté M. Tedros.
L’appel de l’OMS vient renforcer celui formulé depuis la Tanzanie par certaines personnalités et groupes de pression, au risque parfois d’être harcelés par les autorités.
Samedi, l’ordre des avocats de Tanzanie (Tanzania Law Society – TLS) est devenu le premier corps professionnel à demander au gouvernement de reconnaître ouvertement la présence du virus et de prendre les mesures appropriées.
«La pandémie de COVID-19 est une réalité dans le pays et le nombre des morts a augmenté ces derniers mois. Familles et institutions diverses perdent beaucoup d’employés, de membres, de parents, d’amis et de voisins», indique l’ordre, soulignant que certains de ses membres ont déjà succombé à la COVID-19.
En effet, dans le cadre de la Communauté de l’Afrique de l’Est particulièrement, et dans le monde en général, il est impératif qu’il y ait une certaine politique commune et des démarches coordonnées pour lutter contre la COVID-19, ou toute autre pandémie, car un seul pays peut faire échouer les efforts accomplis par l’ensemble de la région.
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