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                                                                          DISCOURS DU PRÉSIDENT PAUL KAGAME

Kigali, le 7 avril 2021

Ce que Jean-Damascène Bizimana vient de nous dire, ce sont les faits. Les faits de notre histoire, les faits sur ce qui s’est passé, et les responsabilités qui en découlent. Si ces négationnistes n’ont pas honte, pourquoi devrais-je avoir peur ?

Aujourd’hui, comme chaque année, nous nous rassemblons pour nous souvenir du génocide contre les Tutsi. Je vous remercie tous qui participez à cette cérémonie.

Bien que ce soit la 27e fois que nous marquons cette commémoration, l’occasion n’est jamais ordinaire. L’enjeu de ce qui nous rassemble nous est sans cesse rappelé. En effet, de nouvelles fosses communes sont régulièrement découvertes, et de nombreux auteurs de crimes sont toujours en liberté. Mais nous ne pouvons pas laisser le poids de notre histoire nous écraser.

C’est également le deuxième Kwibuka qui se tient pendant la pandémie de Covid-19. La distance physique ne fait qu’ajouter au fardeau émotionnel des survivants, dont la force tranquille a nourri la renaissance de notre nation.

Nous vous remercions et nous rendons hommage aux sacrifices que vous avez consentis dans l’intérêt d’un avenir meilleur pour nous tous.

Nous attribuons également la renaissance du Rwanda au fait que la majeure partie des Rwandais a souhaité construire une nation meilleure, et surmonter les manipulations des mauvais dirigeants du passé. L’opportunité de pouvoir vivre mieux et voir les choses différemment a été saisie par notre peuple. C’est un élément indispensable de notre force.

En conséquence, même en proie à de nombreuses pressions et distractions constantes, le Rwanda d’aujourd’hui est incontestablement plus uni et tourné vers l’avenir que jamais il ne l’a été auparavant. Et ici, je parle particulièrement des jeunes, qui constituent la grande majorité de la population de notre pays.

C’est pourquoi tous les efforts visant à nous diviser et à nous détourner de nos objectifs ont échoué, et continueront à échouer.

Kwibuka nous met au défi de réfléchir au contexte présent, et ce, dans la perspective de l’Histoire qui nous a menés jusqu’ici.

Le Rwanda n’est peut-être, pas encore, ni riche ni en pleine santé, et nous avons encore des vulnérabilités et des limites, comme tout pays. Mais nous savons aussi comment faire face à nos problèmes.

Les Rwandais sont résilients, pleins d’objectifs et d’espoir.

L’immensité de ce qui a été réalisé relève quasiment du miracle.

Les résultats sont attestés par les Rwandais, et même indiscutables.

Tout d’abord, il y a les signes tangibles, les choses que nous pouvons voir et ressentir : de nouveaux bâtiments et de nouvelles routes. De meilleurs hôpitaux et centres de santé. Des services d’eau et d’électricité, là où ils n’existaient pas auparavant. De même que l’afflux croissant de visiteurs, venus voir la faune unique du Rwanda et profiter de notre hospitalité.

Mais les transformations intangibles qui ont eu lieu dans le cœur et l’esprit de notre peuple sont encore plus importantes. Elles permettent au progrès d’être soutenu de génération en génération.

Notre unité et notre identité nationale ne cessent de croître. De même que la confiance que nous avons les uns envers les autres en tant que peuple, ainsi qu’envers nos dirigeants et nos institutions. Ainsi que les mentalités positives de créativité, de responsabilité et d’autonomie.

La satisfaction de voir l’histoire du Rwanda servir de symbole édifiant de renouveau, et cela même, espérons-le, au-delà de nos frontières. Et enfin, la confiance en soi collective qui découle de l’esprit d’agaciro, qui inspire tout ce que nous faisons.

Les Rwandais d’aujourd’hui ont beaucoup gagné, ce qui signifie que nous avons quelque chose de précieux à défendre. Cela exige une vigilance constante, ainsi qu’une volonté d’introspection et d’honnêteté.

Sans cela, des décennies, voire des siècles de progrès, peuvent être balayés en un clin d’œil. Nous en avons vu des exemples dans différentes sociétés du monde, aussi avancées soient-elles.

Je sais avec certitude que les Rwandais seront toujours prêts à protéger ce que nous avons construit, sans hésitation ni excuses.

Comme tout pays, le Rwanda a le droit d’utiliser tous les moyens légitimes et légaux pour contrer les attaques contre notre peuple — cela ne fait aucun doute — et contre les principes de notre Constitution.

Chaque fois que cela est rendu possible, nous traduisons en justice ceux qui menacent la paix et la sécurité de notre pays. Il n y a pas de débat sur la question de l’état de droit. En ce moment, il y a plusieurs procès en cours dans nos tribunaux, impliquant divers groupes armés violents.

Parmi les personnes qui sont jugées, certaines ont vécu à l’étranger, protégées, d’une manière ou d’une autre. Tout cela est lié à l’histoire du déni, de la déformation et de la publication de toutes sortes de choses.

Il est intéressant de constater que lorsque ces procès sont en cours, pour certains — en particulier ceux qui accueillaient ces personnes — ce qui importe n’est pas de savoir ce qu’ils ont fait et ce pour quoi ils sont jugés, mais plutôt comment ils sont arrivés ici.

Bien. S’ils sont arrivés ici de la mauvaise façon, nous sommes prêts à en parler. Aucun problème.

Mais ne devrions-nous pas davantage nous concentrer sur le plus important, à savoir, pourquoi sont-ils jugés par les tribunaux ?

Ce n’est pourtant pas compliqué de comprendre cela. Vous pouvez découvrir par vous-mêmes pourquoi cela se passe ainsi, et peutêtre comprendrons-nous mieux au fur et à mesure que nous avancerons dans le processus.

Les Rwandais considèrent que notre pays ne peut pas se permettre de laisser de tels jeux dangereux se jouer sur notre territoire, et ce au détriment de notre peuple. Plus jamais. Car lorsque la ligne de la violence est franchie, il y a aussi un remède à cela.

La plupart de ces acteurs ont cherché à s’imposer sur la scène internationale en tuant des innocents et en menaçant notre économie. Et hélas, cette stratégie de recherche d’attention a parfois fonctionné pour eux.

Vous savez, certaines de ces personnes se trouvent dans des endroits depuis lesquels ils ont beaucoup de leçons à nous donner, sur ce qu’est la démocratie, la liberté, ou toutes sortes de droits politiques et civils. Et leurs hôtes embrassent ces mêmes personnes, les protègent, les défendent, parlent en leur nom. Parce que, disent-ils, ce sont des gens qui veulent civiliser le Rwanda et le rapprocher de ce niveau, où nous ne sommes pas encore.

Maintenant, souvent — et j’essaie d’aller au fond de cette question— je questionne cet état des choses. Nous y reviendrons peut-être plus tard, mais je veux juste vous dire quelque chose.

Il y a quelques cas où nous avons informé leurs hôtes, sur ce qu’ils étaient vraiment, à savoir, des criminels. Nous leur avons dit qu’ils ont tué, qu’ils ont volé, violé et commis toutes sortes de crimes. Et nous leur avons dit que nous avions la capacité de les juger. Mais ils ont refusé d’écouter. Ils ont dit « non, ce sont des détracteurs des dirigeants du Rwanda. Ce sont des gens qui se battent pour la liberté et pour les droits de toutes sortes ».

Ce qui est intéressant, c’est qu’il ne faut souvent pas longtemps pour qu’ils réalisent que nous disions la vérité, car certains d’entre eux purgent actuellement des peines dans ces mêmes pays. Ils sont en prison pour avoir commis certains des crimes pour lesquels nous leur avions dit les rechercher.

Et, au tribunal, ces personnes — c’est vraiment très intéressant —lorsqu’elles sont jugées en Europe, en Amérique, ou dans différents endroits, malgré les preuves de méfaits tels que des viols ou vols d’argent dans ces pays, continuent de nier et prétendre qu’en fait, c’est le président Kagame qui envoie ses agents contre eux.

Mais comment pourrais-je envoyer quelqu’un pour vous inciter à violer et que vous le fassiez ? Comment pourrais-je envoyer quelqu’un pour vous dire de voler et que vous le fassiez ?

Donc s’il y a des choses que vous voulez régler avec les dirigeants rwandais, c’est bien, mais vous devez d’abord répondre de ces actes. Et nous nous retournons vers nos amis en disant : mais nous vous l’avions dit. Et pourtant, ils continuent de ne pas nous croire, malgré les preuves.

Vous êtes au courant de la personne qui a été amenée ici récemment, et la question que tout le monde se pose, est de savoir comment elle est arrivée ici, plutôt que de se demander comment elle dirigeait un groupe qui tuait des gens au Rwanda.

Vous avez vu les témoignages d’autres ressortissants de ces pays, qui ont comparu devant le tribunal et ont confirmé les accusations, ainsi que la manière dont ces personnes ont opéré, planifié leurs actes depuis l’étranger, depuis l’endroit où elles vivaient.

Récemment, une ou deux personnes vivant à l’extérieur ont déclaré que tout ce qui a été dit au tribunal est vrai. Ils ont confirmé qu’ils font réellement ces choses dont ils sont accusés, mais qu’ils sont protégés là où ils se trouvent. « Rien ne va nous arriver, et vous ne pourrez pas nous y amener, comme vous avez amené d’autres personnes ».

Vous voyez à quel point cela peut être perturbant. Mais oui, nous comprenons parfaitement le monde dans lequel nous vivons.

D’anciens fonctionnaires disgraciés, motivés par des ressentiments mesquins, ont passé des années à cultiver des protecteurs étrangers influents, et cela, grâce à une campagne de mensonges peu convaincante.

Mes amis, vous pouvez dire n’importe quel mensonge à mon sujet ; vous êtes libres de le faire. Vous pouvez accumuler des tonnes de mensonges, cela ne me changera pas, absolument pas.

Cela ne changera pas ce pays pour qu’il soit devienne ce que vous voulez qu’il soit. Peu importe le nombre de mensonges. Ça, je peux vous le promettre.

Lorsque par hasard, les conteurs sont nés « au bon endroit », là-bas, leur impartialité et leur intégrité sont tout simplement considérées comme acquises. Et cela, simplement par leur lieu de naissance. Quoi qu’ils disent contre vous, est supposément considéré comme acquis. Cela n’a rien à voir avec les faits, mais uniquement avec l’endroit où cette personne est née. C’est de là que viennent la plupart des problèmes.

Les mensonges deviennent des faits, et les victimes deviennent des méchants. Les actes de terrorisme sont dépeints comme des expressions de principe de l’opposition et de la dissidence, tandis que la réponse du Rwanda est montrée du doigt.

Laissez-moi vous dire ceci : nous serons heureux d’être critiqués pour avoir fait ce que nous devons faire, et que nous croyons devoir faire, contre ces actes qui nous menacent.

Est-ce vraiment ces personnes qui représentent les valeurs universelles que nous prétendons tous épouser ? C’est tout à fait faux. C’est faux. Il ne peut en être autrement. Nous en sommes réduits à nous demander combien de corps il devra y avoir avant que nous ne soyons considérés comme ayant le droit de prendre les mesures appropriées.

Vous souvenez-vous de la fameuse interview de l’époque, en 1994, où les gens avaient du mal à nommer ce qui se passait à ce moment-là ? Certaines personnes avaient du mal à prononcer le mot « génocide ». Eh bien, aujourd’hui, nous avons un autre combat, les gens luttent pour l’appeler « génocide contre les Tutsi ».

Le problème des définitions a commencé dès 1994, lorsqu’il s’est agi de nommer simplement ce dont il s’agissait. Quelqu’un — un journaliste, je crois — a demandé : « Est-ce que vous appelez ça un génocide ? » Ils ont répondu que non, qu’il pouvait s’agir d’actes de génocide. Puis le journaliste a demandé : « Combien d’actes de génocide faut-il pour appeler ça un génocide ? »

Vous vous souvenez de cette histoire ? Il est surprenant que nous ayons toujours la même discussion 27 ans plus tard. C’est étonnant.

Pendant ce temps, les spécialistes et les groupes de défense des droits de l’homme restent silencieux sur les dangers évidents, réticents à dire quoi que ce soit qui pourrait être perçu comme donnant raison au gouvernement rwandais.

Le cynisme et l’hypocrisie que reflètent de tels récits sectaires sont à couper le souffle. Et sur notre continent africain, le Rwanda n’est guère la seule cible de ces tactiques. Nous ne méritons pas cela, et nous ne l’accepterons pas.

Récemment, une commission d’historiens nommée par le gouvernement français a publié un rapport détaillé après avoir eu accès aux archives officielles qui étaient restées secrètes.

Le rapport montre que le président Mitterrand et ses plus proches conseillers savaient qu’un génocide contre les Tutsi était en cours de préparation par leurs alliés au Rwanda. Malgré cela, le président a décidé de continuer à les soutenir, car il pensait que cela était nécessaire pour la position géopolitique de la France. Les vies des Rwandais n’étaient alors que des pions dans les jeux géopolitiques.

Aujourd’hui, nous saluons ce rapport qui marque un pas important vers une compréhension commune de ce qui s’est passé. Il marque également un changement et montre le désir, même pour les dirigeants français, d’aller de l’avant avec une bonne compréhension du passé, et nous nous en félicitons. Nous nous en félicitons. Le rapport va nous être présenté ; j’en ai été informé.

C’est une bonne chose.

Le Rwanda aura également son mot à dire prochainement, peutêtre vers la troisième semaine de ce mois d’avril. Les conclusions que nous avons entre les mains sont basées sur le travail effectué par des personnes qui ont été chargées de le faire parallèlement à ce qui se faisait en France. Ces conclusions vont dans le même sens. L’important est de continuer à travailler ensemble pour documenter la vérité. Voici la vérité.

Les efforts déployés pendant des décennies par certains responsables français dans le but de dissimuler leurs responsabilités ont causé des dommages importants.

L’histoire a été falsifiée en promouvant le mensonge du soi-disant double génocide, notamment grâce au Rapport Mapping. Des procès frauduleux ont été lancés en Europe contre nos officiers et fonctionnaires. Des suspects de génocide ont trouvé refuge et toutes les demandes d’extradition du Rwanda ont été rejetées.

Et ce n’était pas seulement en France ; c’est juste parce que je parlais du rapport. Car nous connaissons dans d’autres capitales de ces pays développés, des affaires qui durent depuis près de ans. Il y a des endroits où il y a environ 4-5 suspects de génocide avec des dossiers très clairs. Nous nous sommes adressés au pays qui les accueille, nous les avons suppliés. Nous avons dit, les dossiers sont prêts, ils sont ici, pouvez-vous nous les donner pour le procès ?

La réponse a été non, nous n’avons pas de traité d’extradition, nous ne faisons pas confiance à vos tribunaux, nous ne faisons pas confiance à vos lois. Ok, nous avons dit d’accord. Nous avons besoin de votre confiance, mais vous ne voulez pas nous la donner.

C’est bien.

Alors pouvez-vous les juger dans vos tribunaux ? Car si vous avez un problème avec nos tribunaux, vous n’avez pas de problèmes avec vos propres tribunaux. Et malgré cela, ils ont toujours des excuses pour ne pas agir. Et cela continue, et continue encore et encore.

Et ce sont ces mêmes personnes qui ont toutes sortes de reproches à nous adresser. Nous leur disons : « Mais pourquoi donc ne le faites-vous pas ? N’avez-vous pas honte de protéger des suspects de génocide, de les couvrir pour n’importe quelle raison ? Si vous ne voulez pas que nous les jugions, alors pourquoi ne les jugez-vous pas vous-mêmes? » Et ce sont les mêmes personnes qui remettent en question l’utilisation de l’expression « génocide contre les Tutsi ».

Et d’ailleurs, je pense que nous ne sommes pas les inventeurs du mot génocide. Ce mot a été inventé par d’autres personnes, il y a longtemps, bien avant notre propre histoire tragique. Mais quelqu’un a dit, vous savez, nous ne voulons pas accepter « génocide contre les Tutsi » car des soldats de la paix sont morts, des étrangers sont morts, des Hutu sont morts, tout le monde a été tué.

Écoutez, même si vous pensez que ce sont les faits, en quoi cela vous empêche-t-il d’isoler ce cas et de le traiter comme il se doit ?

Il vous appartiendra ensuite de venir avec votre liste d’autres cas à traiter. Je ne doute pas de la capacité ou de la logique de ces gens.

Non, c’est autre chose.

C’est comme dire, ne jugeons pas ce type pour les crimes qu’il a commis. Occupons-nous de la façon dont il est arrivé dans ce tribunal. Nous avons encore un long chemin à parcourir.

Lorsque ces suspects de génocide bénéficient d’un refuge et que les demandes d’extradition sont refusées, cela a une conséquence directe. En effet, nous avons assisté à une augmentation massive de la négation du génocide et du révisionnisme. Ce qui prendra des années à inverser.

Des éditeurs de renom publient des livres accusant le FPR luimême d’avoir orchestré le génocide afin de prendre le pouvoir. Ce qui est encore plus inquiétant, c’est qu’encore trop de gens qui connaissent la vérité préfèrent garder leurs distances en se taisant.

Je me souviens d’un pays qui a publié, il y a quelques années, une déclaration pour marquer la commémoration du génocide. Ce jourlà, vous êtes libres ou non de nous envoyer une déclaration de solidarité. Vous pouvez décider de le faire, mais si vous ne le faites pas, nous ne nous plaignons pas, vraiment nous ne nous plaignons pas.

Mais un pays a pris l’initiative de nous envoyer une soi-disant déclaration de solidarité, qui en réalité contenait plus de paragraphes sur les droits de l’homme et la gouvernance.

J’ai donc pris le temps de répondre et j’ai formulé une simple demande. J’ai dit, vous savez, ce jour, le 7 avril, est un jour de commémoration. Et c’est juste un jour sur les 365 jours de l’année.

Un seul.

Je leur ai donc demandé : ne pouvez-vous pas nous épargner juste ce jour-là ? Vous aurez tout le loisir de nous écrire ce que vous voulez les 364 jours restants de l’année. Vous pouvez nous maltraiter, nous insulter comme vous voulez pendant le reste de l’année. Mais épargnez-nous ce jour-là.

Heureusement, je pense qu’ils ont compris le message, car cela ne s’est pas reproduit. Mais il y en a d’autres, qui n’ont pas appris et dont les déclarations sont probablement en route pour dire les mêmes choses. Mais nous avons vraiment l’espace pour accueillir cela aussi.

Malgré une résolution unanime de l’Assemblée générale des Nations unies, il y a encore un ou deux pays qui refusent obstinément d’utiliser l’expression « génocide contre les Tutsi ».

L’ensemble de l’Assemblée générale a adopté cette appellation, excepté un ou deux États qui résistent, tout comme ils ont résisté à l’utilisation du mot « génocide » en 1994, comme je vous l’ai dit, jusqu’à ce qu’il soit trop tard.

Ils sont revenus sur le mot lui-même. Certaines personnes avaient un problème, car si on appelait cela un génocide, cela leur imposait une lourde responsabilité d’agir pour l’arrêter. Ils ont donc essayé d’éviter cette lourde responsabilité en refusant de l’appeler génocide.

Il est intéressant de voir comment l’histoire se répète. Nous avons presque bouclé la boucle entre 1994 et aujourd’hui. Nous avons une répétition de remise en question des mots et des définitions et de toutes sortes de choses.

C’est comme si cette simple reconnaissance d’une appellation était en fait une récompense accordée aux Rwandais en échange d’un bon comportement. Selon eux, si vous vous comportez de la manière conforme à leurs attentes, ils vous feront un cadeau, une récompense en reconnaissant ce que c’est. C’est une honte. Mais nous ne pouvons pas répondre au chantage sur de telles questions de principe.

Malheureusement, une nouvelle génération de Rwandais de la diaspora — et il s’agit vraiment d’un petit groupe — qui n’a aucune responsabilité personnelle dans ce qui s’est passé en 1994, s’appuie sur ces récits pour reconditionner l’idéologie du génocide en une critique de la gouvernance et des droits de l’homme. Et ils s’en inspirent ou sont soutenus pour cela.

En ce qui nous concerne, au Rwanda, nous ne sommes pas liés au passé. Nous allons de l’avant. Et il n’y a pas de différends si grands qu’une main tendue de bonne foi ne soit serrée en retour. C’est ainsi que nous sommes, nous les Rwandais, c’est ce que notre histoire a fait de nous.

Mais la monnaie du pardon est la vérité. Nous ne pouvons pas nous lasser de parler des réalités que nous avons vécues.

En ce jour le plus solennel, je voudrais terminer en remerciant les Rwandais pour leur dévouement à la tâche de l’unité et de la réconciliation.

Nous remercions également les nombreux amis du monde entier qui se sont joints à nous au fil des ans. Et ce n’est pas tout, alors que certaines personnes avaient du mal à appeler cela un génocide aux Nations Unies — parmi lesquels il y avait même le Secrétaire général des Nations Unies — vous savez, certains pays formidables et leurs représentants se sont levés et se sont démarqués, et ont dit non, c’est un génocide.

L’un d’entre eux est un pays africain, le Nigéria, que nous serons toujours fiers d’appeler pays ami, représenté par un homme dont je me souviens, nommé Ibrahim Gambari. Le Nigéria s’est démarqué et a dit non. Il y a un problème et nous devons appeler ce problème par son nom. Le professeur Gambari était là, et nous serons toujours fiers du Nigéria.

Puis il y a eu la République tchèque, il y a eu la Nouvelle-Zélande.

Des pays auxquels on ne penserait pas en premier. On a tendance à toujours penser aux mêmes grands pays. Mais nous serons toujours redevables et reconnaissants envers certaines de ces personnes à travers le monde.

Permettez-moi de terminer en vous racontant quelque chose dont je me souviens, et ce sera ma conclusion.

Lorsque nous étions encore jeunes et que nous allions à l’école primaire, je me souviens qu’on me racontait l’histoire du lion et du mouton.

Une histoire qui se passe au bord d’un cours d’eau, comme une rivière. Le lion était en amont et buvait de l’eau, et il y avait, en aval, un mouton qui buvait aussi de l’eau. Lorsque le lion remarqua la présence d’un mouton à proximité, il chercha une excuse rapide pour aller vers lui et en faire son repas.

Mais d’abord, ils eurent une conversation. Le lion appela le mouton et lui dit : « Hé toi, tu vois, je suis là, à boire de l’eau et tu es là, à la salir. »

Le mouton répondit humblement : « Mais monsieur, je suis en aval.

Là où je bois l’eau, même si je la salissais, elle ne remonterait pas jusqu’à vous. »

Alors le lion se mit en colère et se sentit provoqué. « Comment oses-tu me répondre de la sorte ? Tu oses m’insulter ? » Le mouton dit : « Je suis vraiment désolé, je ne voulais pas vous manquer de

respect, pardonnez-moi. »

Et le lion dit : « Tu sais, ce n’est pas la première fois, même l’autre jour tu m’as manqué de respect. » Alors le mouton dit : « C’est la première fois que je viens boire de l’eau ici, alors ce n’est pas moi. »

Et le lion dit : « Tu vois, tu m’ennuies vraiment. Même si ce n’est pas toi, c’est ton frère ou ta sœur qui était ici. »

« Non monsieur », dit le mouton, « je ne connais pas de sœur ou de frère qui soit venu ici. Je viens de si loin pour la première fois. »

Alors le lion, bien sûr, s’en pris au mouton.

Je vous raconte cette histoire car parfois nous sommes traités comme cette histoire le suggère. Quelqu’un qui dit : « Hé toi, tu oses m’agresser ? » Même si vous ne leur avez pas parlé. « Si ce n’est pas toi, c’est ton frère, ta mère ou ta sœur. » « Non, monsieur. »

Je pense que certaines personnes nous ont fait ça.

Mais laissez-moi vous dire, n’acceptez jamais d’être des moutons.

Et je n’aspire même pas à être comme ce lion. Je vais être heureux  d’être qui je suis et de pouvoir défier ce lion.

Merci beaucoup.

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