Par André Wameso*
La problématique de la gestion des ressources naturelles de la Rd Congo est un sujet qui préoccupe de nombreux congolais depuis de décennies. Dans une tribune publiée en avril 2009 sur le blog Congo Forum, l’économiste André Wameso tentait de répondre à la question de savoir : qui sont les « véritables » propriétaires des richesses de la RDC ? Le fruit de sa profonde réflexion, il y a 12 ans, demeure d’actualité. Ci-dessous, l’intégralité :
Le 28 Octobre 1906, plus exactement, l’Union Minière du Haut Katanga est fondée, elle naît en fait d’une fusion entre la Compagnie du Katanga, une société créée par Léopold II Roi des belges, et Tanganyika Concessions Limited appartenant à Cecil Rhodes. Ce dernier rêvait d’une Afrique entièrement britannique.
Parti du Cap où il a fait fortune dans le diamant (il est le fondateur de la puissante De Beers), il va aider l’empire britannique à s’étendre jusqu’en Zambie (la Rhodésie du Nord, la Rhodésie du Sud étant l’ancienne appellation de l’actuel Zimbabwe), il détenait aussi des concessions minières dans le Katanga alors que le roi Léopold II exploitait essentiellement le caoutchouc du Congo.
En réalité, cette fusion consacre, la formalisation du transfert de propriété des concessions minières léguées (à l’insu de leur plein gré?) par des chefs coutumiers ou rois locaux à une entreprise, fruit d’une alliance belgo-britannique, plus précisément à l’actif de son bilan, rendant de facto les actionnaires de celles-ci, se trouvant eux, à son passif, les véritables propriétaires des fabuleuses richesses du Katanga !
Tout ceci deux ans avant que Léopold II ne légua l’Etat Indépendant du Congo à la Belgique.
Il est intéressant de savoir comment cet actionnariat, avec ses alliances sous jacentes, a évolué depuis cette fusion « initiale » belgo-britannique.
Coté britannique, on a Ernst Oppenheimer qui va entrer dans le capital de la De Beers, après la mort de Cecil Rhodes et en prendre le contrôle, il va surtout fonder avec Jean Pierpont Morgan (oui, oui JP pour les « intimes », celui là même qui sauva Wall Street !) l’Anglo American maison mère de Anglo Gold Ashanti.
Du coté belge, la Compagnie du Katanga a transféré ses actions dans la Société Générale de Belgique (dont les actionnaires ont contrôlé près de 70% de l’économie du Congo Belge : MIBA, Union Minière du Haut Katanga, Belgolaise, BCDC, Compagnie Maritime, Cotonnière…), elle-même a fini par être contrôlée par la française SUEZ dont AXA et BNP Paribas sont des actionnaires de taille.
On peut penser que l’indépendance de notre pays en 1960 a permis aux congolais de redevenir propriétaires de ces richesses, la mort de Lumumba, les sécessions kasaienne et katangaise sont là pour nous prouver le contraire. Et le Maréchal Mobutu n’a-t-il pas nationalisé l’Union Minière du Haut Katanga ?
Les témoins de cette « nationalisation » sont encore vivants, j’ai eu le privilège de discuter avec certains d’entre eux, ils vous expliqueront pourquoi « notre cuivre » devait être raffiné à Hoboken et pourquoi nous n’en fixions pas le prix.
La vérité, c’est qu’après la chute du mur de Berlin, les « véritables propriétaires » sont revenus reprendre officiellement leurs biens, ils ont d’abord tenté de le faire pacifiquement via la Conférence Nationale Souveraine, avec le fameux projet des privatisations (principalement la Gécamines) porté par le parti politique UDI. Et face à l’échec de ce projet, c’est par la force qu’ils y sont parvenus.
Quand on sait que dans le capital de tous ces grands groupes ayant donc des intérêts directs et indirects au Congo, il y a aussi des fonds de pension, des fonds d’investissement du monde entier, on peut donc comprendre que les richesses de notre pays appartiennent, en réalité à tous les capitalistes du monde, du célèbre milliardaire au parfait inconnu qui cotise pour sa retraite ou qui achète une SICAV au guichet de son agence bancaire au coin de sa rue.
* Actuel directeur de cabinet adjoint du Chef de l’Etat en charge des questions économiques et financières
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