« Neptune Frost », de l’Américain Saul Williams et la Française d’origine rwandaise Anisia Uzeyman, présenté en première mondiale à la Quinzaine des réalisateurs, au Festival de Cannes 2021. © Swan Films
Par Siegfried Forster
Que reste-t-il à la fin d’un festival ? Les films primés, la Palme d’or, et puis le coup de cœur. « Neptune Frost », réalisé par l’Américain Saul Williams et la Française d’origine rwandaise Anisia Uzeyman, était la proposition la plus curieuse, généreuse et innovatrice de ce Festival de Cannes 2021. C’est l’histoire d’une guerre qui ne dit pas sans nom et d’un amour entre un.e hacker africain.e et un mineur de coltan en fuite. Le tout dans une esthétique afro-futuriste complètement inédite.
Sélectionné hors compétition à la Quinzaine des réalisateurs, ce film musical tourné au Rwanda et imaginé au Burundi réunit chant, danse et poésie. Et il s’avère, à bien des égards, étonnamment proche aux éléments revendiqués par Julia Ducournau pour sa Palme d’or Titane : la violence du monde, le questionnement sur l’identité et le genre, une esthétique intersexe, le droit d’être différent et la quête d’un ailleurs. Mais là où Ducournau fait entrer la monstruosité et le monstre, Neptune Frost mise sur des univers radicalement poétiques et positifs.
Anisia Uzeyman et Saul Williams
Dans ce premier film d’Anisia Uzeyman, actrice (elle a joué dans Tey d’Alain Gomis) et réalisatrice française d’origine rwandaise, et de Saul Williams, poète, acteur, musicien et activiste américain, le récit se raconte au travers de corps éthériques interconnectés par des vibrations avec d’autres êtres et intelligences. Neptune Frost rend palpable des perceptions extra-sensorielles jusqu’ici inconnues au cinéma, au-delà de l’espace-temps de l’homme.
« Je suis née dans ma 23e année, après 22 ans de guerre », raconte au début du film une femme en tresses collées, le visage caché derrière un masque en fils métalliques. Nous voilà invités à un enterrement où le prêtre parle de l’attente d’une autre vie. En attendant, Tekno, mineur de coltan en révolte, doit fuir. Tout au long du film, la mort le guettera, car il a compris : c’est le coltan qui transmet l’énergie circulant dans les ordinateurs du monde entier. Pour lui, une raison de plus de ne plus subir le mépris des multinationales.
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