Le Secrétariat des Nations Unies a pris la décision de rapatrier tout le contingent gabonais de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) suite à des allégations d’abus sexuels. La MINUSCA a été alertée sur des allégations d’abus sexuels sur cinq filles, impliquant des membres non-identifiés du contingent militaire gabonais déployés dans une localité du centre du pays, a précisé la mission onusienne dans un communiqué de presse publié mercredi.
Conformément à la politique globale des Nations Unies d’aide et de soutien aux victimes d’actes d’exploitation et d’abus sexuels commis par des membres du personnel des Nations Unies ou du personnel apparenté, « les victimes identifiées ont été aussitôt prises en charge par les partenaires selon leurs besoins médicaux, psychosociaux et en matière de protection ».
Compte tenu de la gravité de ces allégations et de la politique de tolérance zéro des Nations Unies, et sous réserve des conclusions de l’enquête, la MINUSCA a dépêché une mission pluridisciplinaire sur les lieux qui a fait une évaluation de la situation et pris des mesures de prévention des risques.
Par ailleurs, le Secrétariat des Nations Unies a informé, le 7 septembre 2021, les autorités gabonaises pour que soit notamment désigné un enquêteur national dans les cinq jours ouvrables et que l’enquête soit conclue dans moins de 90 jours.
Le Bureau des services de contrôle interne (BSCI) a ouvert une enquête et se tient prêt à assister l’enquêteur gabonais sous réserve de sa désignation. « En raison de la gravité de ces dernières allégations rapportées, le Secrétariat des Nations Unies a pris la décision de rapatrier tout le contingent gabonais de la MINUSCA », indiqué le communiqué de presse. Quelques 450 soldats gabonais doivent quitter la Centrafrique et la Minusca.
Une trentaine d’actes délictueux en tout. L’ONU n’est pas satisfaite de l’absence d’enquêtes et du manque de résultats. Au Gabon, la société civile dénonce un camouflet pour le pays.
Politique de tolérance zéro
Cette décision a été communiquée par le Secrétariat aux autorités gabonaises le mardi 14 septembre 2021. Elle se fonde sur la résolution du Conseil de Sécurité 2272 (2016), dont le Comité permanent d’examen de mise en œuvre évalue le contingent gabonais depuis 2017, qui envisage, lorsqu’il existe des preuves crédibles de cas répandus ou systémiques d’exploitation et d’abus sexuels commis par des unités d’un pays contributeur, ou lorsqu’un pays contributeur n’a pas pris les mesures voulues pour enquêter sur ces allégations, ou lorsqu’un pays contributeur n’a pas amené les auteurs de ces actes à en répondre ou informé le Secrétaire général des progrès des enquêtes ou des mesures prises, de remplacer toutes les unités du pays concerné.
« La MINUSCA reste résolument engagée à lutter contre l’exploitation et les abus sexuels par son personnel, et à mettre pleinement en œuvre la politique de tolérance zéro des Nations Unies en ce qui concerne l’exploitation et les abus sexuels », conclut le communiqué de presse.
Les Nations unies renvoient les casques bleus gabonais évoluant au sein de la Minusca chez eux, insatisfaite de la réaction de Libreville aux allégations d’exploitation sexuelle et d’actes sexuels sur mineurs en RCA. Depuis 2017, le Gabon était sous surveillance. L’ONU estime que les enquêtes n’ont pas avancé comme elles auraient dû, et son secrétaire général peut demander le retrait des contingents dont l’inconduite sexuelle est avérée.
A New York, on se plaint du faible nombre d’enquêtes ouvertes, du manque de communication sur les nominations d’enquêteurs, et surtout donc, de l’absence de résultat du côté gabonais.
Après avoir eu vent de cinq nouveaux cas dans une zone décentralisée de Centrafrique récemment — 32 cas en tout en quatre ans —, la Minusca a dépêché une mission sur les lieux, et l’ONU a informé Libreville la semaine dernière qu’un enquêteur devait être nommé dans les cinq jours ouvrables, et que l’enquête soit conclue sous 90 jours.
En attendant, les Nations unies ont aussi pris la décision de renvoyer immédiatement chez eux les 450 soldats Gabonais, comme le prévoit la résolution 2272. D’autres casques bleus de la zone devraient être redéployés pour remplacer les gabonais aux cinq points où ils étaient basés.
Deception au Gabon
Au Gabon, la décision de l’ONU provoque une certaine indignation sur les réseaux sociaux où l’on dénonce des comportements « honteux », « inadmissibles », « immoraux ». Mais elle n’a pas surpris au sein de la société civile, étant donné l’enchaînement des scandales touchant le contingent gabonais et le manque de réaction des autorités. La crédibilité de l’armée est mise en cause, dénonce Georges Mpaga. Le président du réseau des Organisations libres de la société civile pour la bonne gouvernance au Gabon (ROLBG) espère que l’affaire aura des conséquences : « Les responsables de cette tragédie sont approuvés directement dans l’administration, au sein du ministère de la Défense. De ce point de vue, le chef d’État-major des armées, le ministre de la Défense doivent être démis de leurs fonctions. C’est l’image du Gabon qui est ternie ».
Le gouvernement, lui, a assuré dès mercredi que si les faits sont avérés, « auteurs seront traduits devant les tribunaux militaires et jugés avec une extrême rigueur (…) L’engagement du Gabon dans la stabilité de la Centrafrique depuis 25 ans ne saurait être réduit à ces actes », a ajouté un officiel gabonais.
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