Une fresque de la série des « Hommes debout » de Bruce Clarke, dans le « Jardin de la mémoire » de Kigali, en juin 2021.
Travaillant sur des projets artistiques et mémoriels en lien avec le génocide des Tutsi, le plasticien Bruce Clarke vient d’achever d’immenses peintures d’« Hommes debout » dans la capitale rwandaise.
Propos recueillis par Pierre Lepidi et Olivier Herviaux
Artiste plasticien et photographe d’origine sud-africaine, Bruce Clarke travaille depuis une vingtaine d’années sur des projets artistiques et mémoriels en relation avec le génocide des Tutsi qui a fait près d’un million de morts au printemps 1994 au Rwanda. Sur demande de la Commission nationale de lutte contre le génocide (CNLG), qui vise à prévenir et lutter contre l’idéologie génocidaire, l’artiste britannique a notamment participé à l’élaboration du « Jardin de la mémoire », qui s’étend sur 100 hectares dans le district de Kicukiro, au sud de Kigali. A quelques centaines de mètres, près de 2 000 Tutsi qui s’étaient réfugiés dans l’Ecole technique officielle (ETO) Don Bosco ont été tués le 11 avril 1994 après le retrait de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (Minuar).
En 2014, Bruce Clarke a peint les « Hommes debout », des figures représentant des silhouettes esquissées d’hommes, de femmes et d’enfants. Représentés au Rwanda sur les lieux de commémorations mais aussi de massacres, ces « Hommes debout » ont également été exposés dans des musées ou des façades d’immeuble en Suisse, Belgique, Italie, France, Bénin…
Lors de la visite d’Emmanuel Macron à Kigali qui scellait la réconciliation diplomatique entre la France et le Rwanda, jeudi 27 mai, Bruce Clarke donnait les derniers coups de pinceaux à ces fresques dressées dans un coin du « Jardin de la mémoire » de la capitale rwandaise. D’une hauteur de 12 mètres, elles semblent contempler la ville.
Comment associer l’ampleur et la monstruosité d’un génocide avec une démarche artistique ?
Un génocide n’est pas représentable, il faut donc passer par des symboles ou d’autre biais pour parler de ce qui est innommable. Les « Hommes debout » sont les symboles de la dignité des êtres humains. Ils se dressent comme les témoins d’une histoire atroce. En tant qu’artiste, mon intention est de redonner une présence aux disparus et de restaurer l’individualité des victimes.
Je ne cherche pas à représenter l’espoir avec ces « Hommes debout », sauf peut-être en montrant que le fait d’avoir survécu au génocide est une forme d’espoir pour l’humanité. Un génocide, c’est l’élimination totale d’un peuple. Les « Hommes debout » sont l’affirmation dans l’espace public que le projet génocidaire a failli.
Quand vous êtes-vous intéressé au Rwanda ?
Au début des années 1990, alors que je luttais dans les mouvements anti-apartheid, il y avait des signes avant-coureurs d’un génocide en préparation au Rwanda. Des amis rwandais me disaient qu’un système de racisme d’Etat dirigeait le pays. Je le trouvais assez similaire à l’apartheid, même si j’ai eu du mal à le comprendre au début car, au Rwanda, tous les habitants sont noirs, ce qui n’était évidemment pas le cas en Afrique du Sud.
L’artiste plasticien Bruce Clarke travaille sur une fresque des « Hommes debout », dans le « Jardin de la mémoire » à Kigali, en juin 2021. BRUCE CLARKE
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