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Par France24

Alors que le Rwanda marquait mercredi le 27e anniversaire du génocide qui a fait au moins 800 000 morts en 1994, le président Paul Kagame s’est félicité du rapport nouvellement publié et commandé par le gouvernement français sur l’implication de la France.

Le rapport, a déclaré Kagame, marque un changement d’attitude important et bienvenu dans le discours politique de la France. «Cela montre une volonté même des dirigeants français d’avancer avec une bonne compréhension de ce qui s’est passé. Nous nous en félicitons », a-t-il déclaré, selon Le Monde.

Le président Emmanuel Macron a commandé le rapport il y a deux ans dans l’espoir de «faire la lumière» sur l’un des héritages les plus troublés de la France en Afrique et d’initier un rapprochement diplomatique «irréversible» avec le Rwanda.

Faisant écho aux espoirs de Macron de normaliser les relations franco-rwandaises, le président Kagame a suggéré que le rapport pourrait être la première étape attendue depuis longtemps pour briser le cycle de plusieurs décennies de silence et d’évitement parrainé par le gouvernement français qui a entaché les relations diplomatiques entre les deux pays.

Mais le président rwandais a semblé contester le fait que, comme le rapport commandé par Macron l’a copieusement démontré, les ambitions géopolitiques de la France ont conduit ses dirigeants à fermer les yeux sur les meurtres indescriptibles au Rwanda.

«Le rapport montre que les plus proches conseillers du président Mitterrand savaient qu’un génocide contre les Tutsis était planifié par leurs alliés au Rwanda», a-t-il dit.

«Malgré ces connaissances, le président a décidé de continuer à les soutenir car il estimait que c’était nécessaire pour la position géopolitique de la France. La vie des Rwandais n’était que des pions dans le jeu géopolitique. »

Ce que Kagame trouve encore plus déplorable, c’est que, des années après la fin des tueries, les gouvernements français successifs ont poursuivi la politique de silence coupable ou de surveillance pour dissimuler l’implication de la France dans le génocide rwandais.

«Les efforts déployés pendant plusieurs décennies par certains responsables français pour couvrir leurs responsabilités ont causé des dommages importants», a déclaré le président Kagame. Mais il a ajouté que son gouvernement était prêt à embrasser la nouvelle volonté de la France d’accepter son héritage impérial troublé. «L’important est de continuer à travailler ensemble pour documenter la vérité.»

En France, entre-temps, le consensus officiel – et l’espoir – est que Paris et Kigali peuvent enfin entamer une conversation ouverte et honnête sur la refonte de leurs relations.

Dans un article d’opinion sur le thème de la contrition dans Le Monde, Alain Juppé, ancien ministre français des Affaires étrangères, a reconnu que les erreurs de calcul de la France avaient joué un rôle majeur dans la tragédie rwandaise. Pour Juppé, le génocide au Rwanda a mis à nu la «lâcheté» de la communauté internationale lorsqu’il s’agit d’agir rapidement pour empêcher des incidents horribles.

«Nous ne savions pas que nous abandonnions des centaines de milliers de Tutsis à leur mort…. Nous n’imaginions pas que nos forces auraient pu, avec le soutien de parachutistes belges, de commandos italiens, de marines américains, tous associés aux casques bleus, s’opposer aux tueurs et protéger les victimes », écrit-il.

Le sommet de l’iceberg

Cependant, les critiques ont soutenu que le rapport n’était pas aussi accablant qu’il aurait dû l’être sur l’implication politique et militaire de la France au Rwanda dans les années 1990. Le principal reproche est contre l’insistance du rapport selon laquelle si la France porte «de lourdes et accablantes responsabilités», elle n’est «pas complice» du génocide.

Pour les critiques, le récit du «non-complit» est une diversion et un euphémisme inexplicable de l’implication profonde de Paris au Rwanda avant et pendant le génocide. L’argument est que la France aurait pu agir à temps pour empêcher le génocide, mais elle a choisi de détourner son regard tout en soutenant secrètement le régime rwandais de l’époque.

François Robinet, professeur d’histoire à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, a écrit dans Jeune Afrique que le rapport français n’a révélé que la pointe de l’iceberg en ce qui concerne l’héritage de la France au Rwanda. Robinet a parlé des «silences incompréhensibles» du rapport, suggérant qu’il laissait de côté de nombreux détails importants qui doivent être discutés ou explorés dans les efforts futurs.

Yann Gwet, un commentateur politique basé à Kigali, a adopté le même point de vue.

Également écrit dans Jeune Afrique, Gwet a soutenu que le rapport commandé par le gouvernement français est loin d’être le document historique et audacieux que Paris avait promis. Pour lui, le rapport très célèbre n’a recyclé que ce que la plupart des Rwnandais, des universitaires et des observateurs concernés savaient déjà.

Plus encore, a-t-il dit, le document évitait commodément d’explorer les allégations les plus incriminantes pesant sur la conscience politique de la France. Pour de nombreux Rwandais qui ont survécu aux atrocités du génocide, «la question n’est pas» de savoir si la France était complice ou non, a-t-il écrit. «Mais plutôt, quand les Français reconnaîtront-ils enfin ce que nous savons?»

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