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L’ancien Premier ministre Édouard Balladur alors qu’il sort de l’audience parlementaire sur le rôle du gouvernement français durant le génocide des Tutsis au Rwanda, à Paris, le 7 avril 2021.  PHOTO / Eric Feferberg / AFP

      Dans Courrier International

Dans une interview, Édouard Balladur annonce qu’il ne faut attendre “aucune repentance” de sa part sur le rôle de la France durant le génocide au Rwanda, en 1994. Cette déclaration du Premier ministre de l’époque survient alors que les débats sont vifs après la remise du rapport Duclert, qui n’est pas pour flatter son auteur, estime cet éditorialiste burkinabé.

Aurait pu bien faire, mais pas de quoi fouetter un chat ! Les éventuelles repentances et quelques brins de regrets ? Circulez, Balladur n’en a cure ! Tout juste l’ancien chef de gouvernement se borne-t-il, sibyllin, à évoquer la pulvérisation de l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994 [élément déclencheur du génocide] et les doigts accusateurs sur le FPR [Front patriotique rwandais, du président actuel, Paul Kagamé] pour justifier l’abjection !

Tirant la couverture à lui, il indexe les boutefeux de l’entourage du président de gauche Mitterrand, lesquels va-t-en-guerre voulaient une équipée coloniale punitive, alors que lui tempéraient les ardeurs. Et s’il a encouragé Mitterrand à mettre les pieds au pays des Mille Collines [comme on surnomme le Rwanda], c’est juste à titre humanitaire, circonscrit dans le temps et l’espace.

Il s’inscrit en faux contre les conclusions du rapport Duclert, qui mentionne que lui, Balladur, aurait voulu faire interner dans la zone verte française le gouvernement génocidaire. Et la meilleure, c’est qu’il dit de tourner les regards vers les USA et la Belgique !

Une sortie ratée

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Balladur et son auto suffisance

Que dire de cette défense d’Édouard Balladur ? Il aurait dû se taire ou à tout le moins être plus mesuré. D’abord parce que le rapport Duclert est un travail sérieux commandité par le président de la République française Emmanuel Macron, et accompli par 14 historiens. Du boulot exécuté tout de même par des professionnels.

Ensuite, si l’on prend point par point les éléments invoqués par l’ex-Premier ministre, il n’apporte aucun indice contradictoire à ce qu’avance le rapport Duclert sur le Rwanda. Qu’évoque-t-il de nouveau à ce qui est dit sur l’opération Turquoise ? Que dit-il de ce qui s’est passé sur la colline de Bisesero [où s’est déroulé un massacre, alors que les soldats français y étaient déployés] ? Rien !

Cette sortie, qui se veut une explication du génocide rwandais, voire une excuse des dirigeants de l’époque, est ratée.

Demander pardon

À l’heure où Emmanuel Macron tente de briser la glace, qui demeure toujours épaisse entre les deux pays, une telle ruée dans les brancards tombe mal. À moins que Balladur ne veuille anticiper sur une probable demande de pardon de la France que pourrait prononcer Macron à Kigali [la capitale rwandaise] lors de son séjour en mai prochain ! Lui Balladur, si précautionneux et très réfléchi, comment peut-il vouloir invalider le travail d’une dizaine d’historiens ?

Personne ne lui a demandé de battre sa coulpe mais le rapport a exhumé des faits, certains vrais, d’autres faux ou extrapolés. Mais imagine-t-il qu’entre la France et le Rwanda il puisse y avoir pour l’éternité ces relations toujours tendues ? Non, monsieur Balladur, les Rwandais ne vous suivent pas, ni les Africains d’ailleurs.

En quoi demander pardon ou avoir des regrets est-il un signe de faiblesse ? Et si à Kigali, au nom de la France, Macron vous désavouait en prônant la repentance ? Sur l’abjection rwandaise, vingt-sept ans après, le temps est venu de chercher à fermer les blessures et à ne pas continuer cette guérilla mémorielle.

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