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Par Le Point Afrique

ACCABLANT. Le premier volet du rapport de la commission Zondo, chargée d’enquêter sur les années Zuma, révèle un schéma d’abus institué par le sommet de l’État. L’ancien president Jacob Zuma soutient qu’il est victime d’une chasse aux sorcières politique.

Son travail d’enquête ne devait pas excéder les six mois, mais plus la commission Zondo ratissait la boue entourant la présidence Zuma, plus elle en trouvait. Après quatre ans d’enquête, cette commission ad hoc – mise en place par l’ancien président lui-même en 2018 pour afficher sa bonne volonté – et chargée de recueillir des témoignages, vient de remettre à l’actuel chef d’État la première partie de son rapport, lors d’une cérémonie à Pretoria, mardi 4 janvier. Au total 854 pages. Et le moins que l’on puisse dire est qu’il est accablant. « C’est un moment décisif dans nos efforts pour mettre définitivement un terme à l’ère de la corruption d’État et restaurer l’intégrité, la crédibilité et la capacité de nos institutions et, plus important encore, de notre gouvernement », a déclaré Cyril Ramaphosa.
Un travail acharné
Ce rapport est la conclusion de « quatre années éreintantes », a commenté le juge Raymond Zondo, qui préside cette commission. Ce premier volet comprend des chapitres concernant la compagnie aérienne sud-africaine SAA et les services fiscaux du pays. « Le coût le plus dévastateur et le plus durable » de cette corruption généralisée et remontant jusqu’au sommet de l’État « est la perte de confiance des citoyens dans leurs dirigeants », a souligné le président Ramaphosa. Elle « endommage la confiance dans l’état de droit, les institutions et jusqu’au processus démocratique », a insisté Cyril Ramaphosa, élu sur la promesse d’assainir la situation mais souvent critiqué pour son action trop lente ou prudente pour combattre la corruption au sein de son parti, le Congrès national africain (ANC).
Grand déballage
Mais concrètement, que risque vraiment Jacob Zuma ? Âgé de 79 ans aujourd’hui, ce dernier a multiplié les manœuvres pour éviter de témoigner devant la commission, ce qui a lui a valu en juin d’être condamné à quinze mois de prison pour entrave à la justice. Son incarcération en juillet avait déclenché des émeutes inédites dans ce pays, qui ont fait 350 morts. Il est en libération conditionnelle depuis septembre pour raisons médicales. L’ancien président est accusé d’avoir pillé les ressources publiques, avec l’aide d’une fratrie d’hommes d’affaires d’origine indienne, les Gupta, jusqu’à ce que l’ANC au pouvoir le pousse à la démission. Les frères auraient notamment versé des pots-de-vin pour influencer des nominations ministérielles, ont raconté de nombreux témoins. Ils ont fui l’Afrique du Sud peu après le début des travaux de la commission.
La commission Zondo a commencé à entendre des témoignages en août 2018. Depuis, plus de 270 témoins, ministres ou ex-ministres, élus, hommes d’affaires, hauts fonctionnaires ou lanceurs d’alerte, y ont déballé au grand jour le linge sale de l’ère Zuma. Parmi les témoignages les plus saisissants, celui de l’homme d’affaires Angelo Agrizzi, en janvier 2019, qui a raconté tout un monde souterrain de sacs remplis de billets et de réunions secrètes dans des hôtels de luxe pour que de gros bonnets de l’ANC touchent des pots-de-vin, en échange de contrats gouvernementaux. Plusieurs témoins ont évoqué aussi un audit pour un important chantier de désamiantage de logements sociaux dans le Free state (centre) : les travaux n’ont jamais eu lieu, 10 millions de dollars ont disparu. Ces témoignages ont aidé à inculper en novembre 2020 Ace Magashule, ancien Premier ministre de cette province et sulfureux secrétaire général de l’ANC, suspendu début mai par son parti dans l’attente de son procès. La commission ad hoc recommande au gouvernement de publier une charte nationale contre la corruption dans les marchés publics, de créer une agence indépendante de lutte contre la corruption, d’assurer la protection des lanceurs d’alerte et de modifier la législation sur le financement des partis politiques.
Les deux prochains volets seront publiés fin janvier puis fin février. Ensuite, le président Ramaphosa devra décider et annoncer devant le Parlement d’ici fin juin quelles suites lui donner. Car la commission n’a qu’un rôle consultatif, mais ses conclusions pourront être transmises au parquet pour d’éventuelles poursuites.
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