Général Sergueï Beseda et son adjoint Anatoly Bolyukh
Deux hauts gradés du FSB (l’ex-KGB) ont été mis aux arrêts. Le président russe reproche à ses anciens hommes liges la médiocrité des renseignements communiqués avant de lancer l’invasion en Ukraine. Sans en tirer les conséquences sur sa propre responsabilité.
Des agents du FSB (l’ex-KGB) qui arrêtent des généraux et des camarades… du FSB. Les difficultés rencontrées par l’armée russe dans sa guerre en Ukraine conduisent Vladimir Poutine à frapper au cœur même du service qu’il a dirigé et sur lequel il s’appuie depuis vingt ans pour asseoir son pouvoir.
Le 11 mars, Irina Borogan et Andreï Soldatov, chercheurs et journalistes à Agentura, un site d’investigation travaillant sur les services secrets russes, ont révélé que le général Sergueï Beseda et son adjoint Anatoly Bolyukh avaient été mis aux arrêts et assignés « en résidence surveillée ». Le lendemain, le Times confirme l’information et cite le militant russe des droits de l’homme Vladimir Osechkin, selon lequel des agents du FSB auraient en outre effectué des perquisitions aux domiciles d’une vingtaine de collègues « soupçonnés d’être en contact avec des journalistes ».
Cette purge en cours témoigne de la fureur croissante du président russe envers ses services secrets à cause des renseignements fournis en amont de l’invasion de l’Ukraine. « Poutine a enfin compris qu’il avait été induit en erreur », estime Andreï Soldatov, interrogé par le Times.
Le général Sergueï Beseda (à gauche) et son adjoint Anatoly Bolyukh (à droite) ont été mis aux arrêts par Vladimir Poutine. © Photo illustration de Sébastien Calvet / Mediapart
Dans les jours précédant ses révélations, Soldatov avait déjà affirmé que les rapports produits par le FSB sur l’Ukraine n’étaient « tout simplement pas corrects, ce qui explique en partie pourquoi les choses se sont si mal passées pour la Russie ». Ainsi, le général Sergueï Beseda et son adjoint Anatoly Bolyukh seraient accusés d’utilisation abusive de fonds opérationnels destinés à des activités subversives et surtout d’avoir fourni des renseignements médiocres.
Depuis au moins la semaine dernière, les services de renseignement français avaient acté la mauvaise analyse russe en amont de la guerre. « Poutine a, à l’évidence, sous-estimé la résistance ukrainienne, la réaction européenne et la résistance de sa propre société civile », confie un haut cadre du renseignement français.
Parvenu à la même conclusion, Vladimir Poutine en tire les conséquences. À sa manière, brutale. Sans aller toutefois jusqu’à examiner sa propre responsabilité.
Les services secrets russes, dans leur majorité, auraient été tenus dans l’ignorance du projet d’invasion. « À la façon dont ils réagissent, ils n’étaient pas préparés à ce scénario », estime la source précitée. Selon nos informations, le SVR (Sloujba Vnechneï Razvedki, le service de renseignement extérieur russe) était sur la touche dans cette affaire. Son patron, Sergueï Narychkine, a été martyrisé par Poutine à l’occasion d’un conseil de sécurité nationale retransmis à la télévision russe trois jours avant le lancement de l’offensive, le président russe mettant en demeure Narychkine d’approuver l’indépendance des républiques de Donetsk et de Louhansk, ces territoires pro-russes en Ukraine.
Quant à ceux qui étaient dans la confidence et les préparatifs, les agents de la Ve direction du FSB dirigée par Beseda et Bolyukh, ils se sont contentés, semble-t-il, de dire à Poutine ce qu’il voulait entendre. Un problème soulevé par Andreï Soldatov : « Nous ne pouvons pas exclure le fait que les renseignements qu’ils ont recueillis sur le terrain étaient en fait très bons. » Mais pas ceux espérés et personne n’aurait alors osé endosser le rôle de porteur de mauvaises nouvelles auprès du dictateur.
Des espions dédiés aux « pays proches »
Ce n’est pas le moindre paradoxe de cette vague d’arrestations. La colère de Vladimir Poutine s’abat sur ses hommes et sur une direction qui est sa chose.
Le découpage des services secrets à l’ère post-soviétique est simple, en théorie. Au FSB, la sécurité intérieure, la lutte antiterroriste et le contre-espionnage. Au SVR, le renseignement extérieur. Au GRU (survivance de l’ère bolchevique, rebaptisé depuis peu GU), le renseignement militaire.
Bien que le FSB soit un service de sécurité intérieure, au même titre que le FBI ou la DGSI, il a obtenu le droit de mener des opérations à l’étranger à la fin des années 1990, lorsque Poutine en était le directeur. Pour ce faire, une nouvelle direction, la Ve, a été créée, elle a été chargée d’espionner et de réprimer l’agitation politique dans les pays que le directeur Poutine considérait comme faisant toujours partie de la sphère d’influence de la Russie.
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