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Par Hubert Leclercq

Depuis de longs mois, l’homme d’affaires israélien Dan Gertler tente de négocier avec Washington pour mettre fin au régime de sanctions qui le touche depuis 2017 quand le Trésor américain l’a épinglé pour « corruption au sommet de l’État congolais ».

Pour le fisc américain, Gertler s’était immensément enrichi grâce à des contrats « opaques et corrompus » dans les mines et les champs pétroliers congolais. Le milliardaire était accusé de s’être servi de sa grande proximité et « de son amitié étroite avec le président congolais Joseph Kabila » pour faire main basse sur des exploitations minières et pétrolières dans tout le pays.
Après avoir tenté en vain de négocier avec les États-Unis, annonçant même qu’il était disposé à passer deux ans derrière les barreaux… en Israël, Dan Gertler a commencé au début de cette année 2022 à négocier directement avec le régime de Félix Tshisekedi. Ce dernier étudiait depuis plusieurs mois les moyens de mettre en branle une grande offensive judiciaire contre Gertler, sa société Fleurette, ses associés et ses multiples avoirs en RDC.
Face à cette offensive qui se dessinait, Dan Gertler a joué la carte de la compensation financière avec un chef de l’exécutif toujours avide de dollars.
Ballet aérien
Pendant près de trois semaines, un jet a sillonné le monde au départ de Tel Aviv, base arrière de la famille très orthodoxe de l’homme d’affaires proche de l’ancien Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Direction Kinshasa mais aussi Washington et Paris pour tenter de trouver les termes d’un accord qui puisse agréer tout le monde dans l’espoir en fin de compte de faire lever les sanctions américaines.
Vendredi 18 février, lors du Conseil des ministres congolais, le projet d’accord a été mis sur la table. On peut lire dans le communiqué qu’ « après négociations, la Commission (spécialement créée à cet effet) mise en place a conclu, avec le groupe Fleurette, les termes de référence d’un protocole d’accord devant permettre à notre pays de récupérer les blocs pétroliers et les actifs miniers détenus par ledit groupe, blocs et actifs évalués à plus de 2 milliards de dollars américains, ainsi qu’une partie substantielle des royalties de Kamoto Copper Company (KCC – produit cuivre et cobalt dans la province du Lualaba) qui lui étaient cédés ».
Le texte du Conseil des ministres poursuit en expliquant que la ministre de la Justice a été chargée d’analyser et de signer le protocole d’accord « dans les meilleurs délais » pour permettre à l’État congolais de reprendre pleinement possession de ses actifs miniers et pétroliers.
Selon Africa Intelligence, généralement très bien informé, en plus de la rétrocession d’actifs miniers, « Dan Gertler verserait 280 millions de dollars à la RDC, officiellement au titre de royalties non perçues par le Trésor public ». Une somme qui serait bien loin des montants qui nous ont été annoncés.
Que contient ce protocole ?
Où se situe la vérité chiffrée ? « Personne ne le sait avec précision », explique Jean-Claude Mputu, porte-parole pour le collectif Le Congo n’est pas à vendre, qui se bat notamment pour la fin du pillage des ressources naturelles de la RDC.
Pour cette association, « le Congo a déjà perdu plusieurs milliards de dollars à cause de Dan Gertler et ces pertes continuent de s’aggraver jour après jour ».
« Ce qui se passe aujourd’hui pourrait être une vraie victoire pour la société civile congolaise », poursuit-il, avant, de mettre en garde: « Tout dépend évidemment de ce que comprend exactement ce protocole car le communiqué issu du Conseil des ministres laisse trop de zones d’ombre. » Et d’évoquer le fait que seules les royalties de KCC soient évoquées au Conseil des ministres et qu’il n’y ait pas un mot d’autres actifs miniers dans lesquels on retrouve le réseau Dan Gertler, comme les mines de Mutanda Mining, Metalkol, sans oublier les projets aurifères à Moku-Beverendi et la liste non exhaustive est encore longue.
« Ce qui est sur la table du Conseil des ministres est un premier pas, mais c’est loin d’être suffisant si les Congolais veulent réellement récupérer ce qui leur appartient », explique un spécialiste des affaires minières au Congo qui rejoint le collectif Le Congo n’est pas à vendre quand celui-ci appelle « à rassurer l’opinion publique que cet accord ne soit pas juste pour les dirigeants politiques un moyen de lever des fonds avant les élections de 2023. En effet, à l’approche des cycles électoraux, le risque de détournement de recettes minières s’accroît considérablement ».
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